Née de la jurisprudence dans les années 70 comme une réplique au découpage frauduleux d’une entreprise en plusieurs sociétés, l’UES apparaît aujourd’hui comme un des cadres naturels de la mise en place de la représentation du personnel.
La composition de l’UES
Quelles sont les entités pouvant faire partie d’une UES ? Que faut-il entendre par « entreprises juridiquement distinctes », expression utilisée par l’article L 2322-4 du code du travail au sujet de l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise ?
Des établissements ou parties d’établissement ne peuvent constituer une UES
- Une unité économique et sociale ne peut exister qu’entre des entreprises juridiquement distinctes et non entre les établissements d’une ou de plusieurs entreprises » soc. 13 janvier 1999 n° 97-60782 (P)
Par « entreprises juridiquement distinctes » il faut comprendre personnes morales (sociétés, associations) juridiquement distinctes.
- Il ne peut y avoir d’unité économique et sociale reconnue par convention ou par décision de justice qu’entre des personnes juridiquement distinctes prises dans l’ensemble de leurs établissements et de leurs personnels ». soc. 7 mai 2002 n° 00-60424 (P)
Des sociétés sans personnel peuvent faire partie d’une UES
- La circonstance qu’une société n’ait pas de personnel ne l’exclut pas de l’unité économique et sociale pour la mise en place d’un comité d’entreprise commun ». soc. 21 janvier 1997 n° 95-60833, n° 95-60840, n° 95-60839 et 95-60838 (P)
- L’unité économique et sociale ayant pour finalité la défense des intérêts de la communauté de travailleurs dans un périmètre donné, le tribunal d’instance a pu décider que la circonstance que la société Amadeus France SNC n’ait pas de salariés ne faisait pas obstacle à la reconnaissance d’une unité économique et sociale entre les deux sociétés pour la désignation d’un délégué syndical ». soc. 24 novembre 2004 n°03-60329 (P)
En l’occurrence « des salariés de la société Amadeus France services travaillaient de fait pour la société Amadeus France SNC, dont les moyens administratifs et commerciaux étaient partagés avec la société Amadeus France services, a fait ressortir qu’il existait une communauté de travailleurs intéressés par les activités complémentaires des deux sociétés dont la direction était commune ».
Une société holding peut faire partie d’une UES
- Dès lors qu’il constate que les éléments constitutifs d’une unité économique et sociale sont réunis entre des sociétés d’opérations, le tribunal d’instance qui intègre au sein de cette unité économique et sociale la société holding qui détient le pouvoir, justifie légalement sa décision ». soc. 26 janvier 2005 n° 04-60192 (P) (société composée que de son président directeur général, de son directeur administratif et d’une attachée juridique)
UES et groupe doté d’un comité de groupe, des notions incompatibles
S’il existe un comité de groupe entre plusieurs sociétés, l’UES ne peut être reconnue. Pour la Cour de cassation « la notion d’unité économique et sociale et celle de comité de groupe sont incompatibles »
Cass. soc. 20 octobre 1999 n°
98-60398 (P)
Confirmant sa jurisprudence elle ajoute « qu’il résulte de l’incompatibilité entre les notions d’unité économique et sociale et de groupe doté d’un comité que leurs périmètres respectifs servant à la mise en place d’institutions représentatives du personnel différentes doivent être comparés à la date de la requête tendant à la reconnaissance de l’unité économique et sociale compte tenu de leur évolution depuis leur mise en place ».
Cass. soc. 25 janvier 2006 n°
04-60234 (P)
En revanche, « la simple annonce de la constitution d’un groupe pouvant inclure les diverses sociétés en cause, ne peut à elle seule faire obstacle à la reconnaissance d’une unité économique et sociale entre ces sociétés, antérieurement à la mise en place d’un comité de groupe ».
Cass. soc. 17 décembre 2003 n°
02-60445 (P)
De même, « l’existence d’un comité de groupe couvrant l’ensemble des sociétés du groupe dont font partie les deux personnes morales entre lesquelles il est demandé de reconnaître l’existence d’une unité économique et sociale n’exclut pas la mise en place d’un comité central d’entreprise commun à ces deux sociétés ».
Cass. soc. 30 mai 2001 n°
00-60111 (P)
La reconnaissance de l’UES
L’UES peut être reconnue par accord nécessairement
unanime entre l’employeur et les organisations syndicales, mais elle est le plus souvent reconnue par le juge.
Cass. soc. 23 juin 1988 n° 87-60245 et n° 87-60250 (P)
Le tribunal d’instance territorialement compétent pour statuer sur l’existence de l’unité économique et sociale entre plusieurs sociétés est celui du siège social d’une des sociétés en cause.
Cass. soc. 30 mars 1978 n°
78-60060 (P)
Dans un avis récent, la Cour de cassation précise que le tribunal d’instance est également compétent pour statuer sur « l'action aux fins de
modification, par voie d'élargissement ou de réduction, du périmètre d'une unité économique et sociale ». Avis Cour de Cassation 19 mars 2007 n
° 06-00020 (P)
La reconnaissance judiciaire d’une unité économique et sociale impose la mise en place des institutions représentatives du personnel qui lui sont appropriées et que les mandats en cours cessent au jour des élections organisées au sein de l’unité économique et sociale quelle que soit l’échéance de leur terme ».
soc. 26 mai 2004 n°
02-60935 (P)
Une reconnaissance possible à tout moment
Si la reconnaissance de l’existence de l’unité économique et sociale peut être liée à l’action tendant à la mise en place de la représentation institutionnelle dans l’entreprise, les parties intéressées peuvent également agir directement en reconnaissance de l’unité économique et sociale avant la mise en place des institutions représentatives ».
soc. 2 juin 2004 n°
03-60135 (P)
Le tribunal d'instance a justement décidé que l'existence de l'unité économique et sociale devait être appréciée à la date de la requête introductive d'instance, peu important le moment où s'étaient déroulées les élections ».
soc. 27 juin 1990 n°
89-60033 (P)
Lorsque la demande de reconnaissance d’une UES est faite au juge en l’absence de tout litige électoral, elle est rendue en premier ressort. Cela signifie qu’il est possible de faire appel, chose impossible en cas de litige électoral, où la seule voie de recours est le pourvoi en cassation en application de l’article L 2324-23 du code du travail.
Cass. soc. 12 septembre 2007 n°
06-60275 (P) et
Cass. soc. 12 septembre 2007 n°
06-60198 (P)
Un comité d’entreprise peut demander la reconnaissance judiciaire d’une UES
Le comité d’entreprise d’une société, qui a, en particulier, pour objet d’assurer une expression collective des salariés permettant la prise en compte permanente de leurs intérêts dans les décisions relatives à la gestion et à l’évolution économique et financière de l’entreprise, a qualité pour demander en justice, la reconnaissance d’une unité économique et sociale permettant la mise en place d’un comité d’entreprise commun à cette société et à d’autres ».
soc. 29 janvier 2003 n°
01-60848 et n° 01-60849 (P)
La désignation d’un délégué syndical pour faire reconnaître une UES
Un syndicat estimant que plusieurs personnes morales forment une UES peut décider de désigner un DS dans le périmètre ainsi constitué. Cette désignation, si elle n’est pas contestée dans les 15 jours devant le tribunal d’instance, entraîne reconnaissance de l’UES. La désignation suppose le respect d’un
formalisme assez strict.
A peine de nullité de la désignation, le syndicat, qui désigne un délégué syndical auprès de plusieurs personnes, juridiquement distinctes, constituant, selon lui, une unité économique et sociale, doit indiquer dans la désignation qu’il notifie au représentant légal de chacune des entreprises concernées, l’existence et la composition de l’unité économique et sociale revendiquée »
soc. 6 février 2002 n°
00-60440 (P) et
Cass. soc. 26 avril 2000 n°
99-60030 (P)
Le syndicat, qui désigne un délégué syndical auprès de plusieurs personnes morales constituant, selon lui, une unité économique et sociale, doit notifier la désignation aux représentants légaux de chacune d’elles et que c’est à partir de l’accomplissement de cette formalité que court le délai de contestation ».
soc. 12 janvier 2000 n°
98-60516 (P)
Le directeur général d’une société anonyme tient des dispositions combinées des articles 113, alinéas 1 et 2, et 117, alinéa 2, de la loi du 24 juillet 1966 le pouvoir d’ester en justice au nom de la société, au même titre que le président du conseil d’administration ; que, dès lors, ayant la qualité de représentant légal de la société, le nom du ou des délégués syndicaux désignés par un syndicat est valablement porté à sa connaissance au sens de l’article D. 412-1 [D 2143-4] du Code du travail ».
soc. 2 décembre 1998 n°
97-60369 (P)
Le tribunal d’instance qui a relevé que le Grand Conseil de la mutualité et l’UMT, composant l’unité économique et sociale, ont
le même président, a décidé à bon droit que la notification de la désignation faite à cette personne, qui emportait nécessairement connaissance de la désignation par le représentant légal de l’UMT et du Grand Conseil de la mutualité, était régulière ».
soc. 18 décembre 2000 n°
99-60456 (P).