Expert CHSCT

Il résulte de l’article L 4614-12 du Code du travail que le CHSCT a la possibilité de désigner, au frais de l’employeur, un expert agréé dans 2 hypothèses : soit en cas de risque grave révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel constaté dans l’établissement, soit en cas de projet important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail. L’employeur a la possibilité de contester la désignation, son coût ou sa durée mais devra dans la majorité des cas assumer le coût de cette contestation en justice. Attention à la procédure de désignation de l’expert ! La Cour de cassation rappelle que « le CHSCT ne peut valablement délibérer que sur un sujet en lien avec une question inscrite à l’ordre du jour ». Cass. soc. 22 janvier 2008 n° 06-18979 (P)

Risques, accident du travail, maladie professionnelle constaté dans l’établissement

Risque grave non retenu

« Suicide d’un salarié en septembre 1997 et accidents de la circulation, en 1997, ayant touché des membres du personnel lors de déplacements liés à l’implantation de leurs sites d’activités ». Cass. soc. 3 avril 2001 n° 99-14002 (P)

Risque grave retenu

- Risques psychosociaux liés au stress sur le site d’Issy-les-Moulineaux de la société France Télécom « Les fusions d’entités, les fermetures de sites, les transferts d’activités menées deux années auparavant avaient abouti à une compression des effectifs et obligé à des déménagements nombreux, à la disparition de certains emplois sans soutien pour les salariés démunis de tout travail, à une aggravation des conditions de travail et à l’apparition d’un stress sur le site d’Issy-les-Moulineaux lié aux évolutions permanentes de l’organisation de l’entreprise, que les attestations des représentants du personnel établissaient l’existence d’un ressenti des salariés exposés ou d’une situation objectivement dangereuse pour l’équilibre de leur santé mentale, comme un isolement total, l’obligation d’effectuer de façon quasi permanente des heures supplémentaires, le recours à des antidépresseurs ». La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’en avoir déduit que le risque grave d’atteinte à la santé des salariés de l’établissement d’Issy-les-Moulineaux était établi et qu’il justifiait le recours à l’expertise contestée. Cass. soc. 2 mars 2011 n° 09-11545 - Risque de collision de trains à la SNCF « Qu’ayant constaté qu’un risque de collision entre deux trains avait été encouru, la cour d’appel a retenu qu’il existait un risque grave autorisant le CHSCT à désigner un expert ». Cass. soc. 11 février 2004 n° 02-10862 (D)

Projet modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail

Le seul fait pour l’employeur de consulter le CHSCT ne le prive pas de contester la désignation d’un expert par le CHSCT. En effet, « la saisine du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) pour consultation ne fait pas obstacle à la contestation par l’employeur de la décision du CHSCT de recourir à une mesure d’expertise dont il appartient aux juges du fond d’apprécier souverainement la nécessité ». Cass. soc. 25 juin 2003 n° 01-13826 (P)  Qu’est-ce qu’un projet important ? « Le nombre de salariés concernés ne détermine pas, à lui seul, l’importance du projet ». Cass. soc. 10 février 2010 n° 08-15086 (P) Cela signifie qu’un projet ne concernant pas un nombre significatif de salarié n’est pas de ce simple fait un projet non important. Dans cette affaire, la Cour de cassation relève que les magistrats de la Cour d’appel ont constaté que le projet en cause n’était pas de nature à modifier les conditions de santé et de sécurité des salariés ou leurs conditions de travail. Comme l’illustre les exemples ci-après, un projet important est un projet se traduisant par des conséquences elles-mêmes importantes pour les salariés.

Projets jugés non importants

- Un projet de réaménagement de l’organigramme n’est pas forcément un projet important Dans une autre affaire, pour annuler le recours à expert, la Cour constate que « le projet de la direction concernait le réaménagement de l’organigramme en redéfinissant des divisions, en prévoyant la restructuration de l’encadrement, la simplification de la gestion, mais ne prévoyait nullement de transformation des postes de travail, aucun changement de métier, aucun nouvel outil, ni modification des cadences ou des normes de productivité ». Elle déduit de ces constatations que le projet n’était pas un projet important au sens de l’article L. 236-9 [L 4614-12] du Code du travail. Cass. soc. 26 juin 2001 n° 99-16096 (P) - L’implantation d’une version améliorée d’un logiciel déjà en place n’est pas un projet important L’implantation d’une version améliorée d’un logiciel déjà en application dans les unités d’intervention, n’était susceptible d’avoir une influence sur les conditions de travail qu’en raison de l’apprentissage, d’une durée limitée, de cette nouvelle technique par les salariés concernés. La Cour a exactement décidé que l’implantation du logiciel Tigre ne constituait pas un projet important au sens de l’article L. 4614-12 du code du travail. Cass. soc. 4 mai 2011 n° 09-67476  - Une réorganisation n’ayant d’incidence ni sur la rémunération, ni sur les horaires, ni sur les conditions de travail des salariés n’est pas un projet important « La cour d’appel, qui a constaté que le projet MG2 consistait à favoriser chez certains salariés une polyvalence déjà existante, et que le projet Mercure Service consistait en une réorganisation des services des salariés permettant de remédier à certains dysfonctionnements sans qu’aucun de ces deux projets n’ait de répercussion importante sur les conditions de travail de ces salariés en termes d’horaires, de tâches et de moyens mis à leur disposition, a exactement décidé, (…), que les projets ne constituaient pas des projets importants au sens de l’article L. 4614-12 du code du travail ». Cass. soc. 4 mai 2011 n° 09-66556

Projets reconnus importants

« Constitue une décision d’aménagement important modifiant les conditions de travail au sens de ce texte, un projet de regroupement sur un même site d’un service commun réparti sur plusieurs sites intéressant 80 salariés, dont la mise en œuvre doit entraîner le transfert hors de leur secteur géographique d’origine ou le changement des attributions de ces salariés ». Cass. soc. 30 juin 2010 n° 09-13640 (P) « Sur un effectif de plus de 400 salariés, 255 étaient postés, le changement d’horaires les affectait directement et le médecin du Travail avait rappelé que le travail posté était en soi perturbateur des rythmes biologiques, et conclu qu’il était préférable de se rapprocher de ces rythmes biologiques » Cass. soc. 24 octobre 2000 n° 98-18240 (P) « La réorganisation des tâches au sein de certains secteurs (..) était un projet important (…) entraînant des modifications dans les conditions de travail d’un nombre significatif de salariés et conduisant, sur le plan qualitatif, à un changement déterminant des conditions de travail des salariés concernés notamment par le passage de 5 à 4 des agents de conduite et la mixité des compétences des agents de maintenance ». Cass. soc. 14 février 2001 n° 98-21438 (P) « Nouveaux roulements de service des agents rendus nécessaires par la mise en place de la nouvelle ligne du TGV Paris – Méditerranée ». Cass. soc. 2 février 2005 n° 03-12949 (D)  

La contestation de l’expertise par l’employeur.

Principes

« L’article L. 236-9 [ L. 4614-12] prévoit que le CHSCT peut faire appel à un expert agréé dans un certain nombre de situations et précise non seulement que les frais d’expertise sont à la charge de l’employeur, mais que si l’employeur entend contester la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise, cette contestation est portée devant le président du tribunal de grande instance statuant en urgence,  qu’il résulte de ce texte que l’employeur doit supporter le coût de l’expertise et les frais de la procédure de contestation éventuelle de cette expertise dès lors qu’aucun abus du CHSCT n’est établi ». Cass. soc. 12 janvier 1999 n° 97-12794 (P)

La contestation du choix de l’expert

« Sauf abus manifeste, le juge n’a pas à contrôler le choix de l’expert auquel le CHSCT a décidé de faire appel dans le cadre du pouvoir qui lui est donné par l’article L. 236-9 [L. 4614-12] du Code du travail ». Cass. soc. 26 juin 2001 n° 99-11563 (P) A partir du moment où le cabinet choisi est un cabinet agréé, cela exclut tout abus. C’est la position de la Cour de cassation assise à l’occasion d’un contentieux au sujet des compétences de l’expert choisi par le CHSCT. Cas . soc. 8 juillet 2009 n° 08-16676 (P)

La contestation du coût de l’expertise

Constatant « le coût de l’expertise était manifestement surévalué, la cour d’appel a fait ressortir l’abus de la désignation ». Cass. soc. 26 juin 2001 n° 99-18249 (P)

La contestation de l’étendue de l’expertise

« Il appartient au juge, saisi par l’employeur d’une contestation sur la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût, l’étendue ou le délai de l’expertise, de statuer éventuellement sur l’étendue de la mission confiée à l’expert. La cour d’appel, qui a relevé que l’expertise décidée ne pouvait servir de prétexte à une remise en cause de la politique générale de l’entreprise en matière d’organisation du travail, a pu décider que la mission d’expertise devait être cantonnée à l’analyse et à la prévention du risque constaté » Cass. soc. 11 février 2004 n° 02-10862 (D)

Le délai de contestation de l’expertise

Le code du travail n’en fixe aucun et la Cour de cassation ne semble pas s’être prononcée. Quelques juridictions se sont néanmoins prononcées sur la question de manière assez contrastée au sujet de la désignation d’un expert en cas de projet important.

- En cas de projet important

Affaire jugée par le TGI de Clermont-Ferrand le 9 février 2011 Un CHSCT désigne un expert dans le cadre d’un projet important le 3 décembre 2010. L’expert adresse un courrier à l’employeur le même jour afin de lui faire part de son intention de se rendre sur les lieux pour obtenir une présentation du projet et recevoir le document de présentation du projet ainsi que l’organigramme des équipes impactées. Le 10 décembre 2010, l’employeur fait connaître à l’expert son intention de contester la désignation et de ne pas donner suite à ses demandes. Le 14 janvier 2011, l’expert réitère sa demande à laquelle il est répondu qu’une assignation en justice est en cours d’élaboration. Le 26 janvier 2011 c’est finalement le CHSCT qui saisit le juge afin que ce dernier condamne l’employeur sous astreinte à accueillir l’expert et lui fournir les documents demandés. Le juge, constatant qu’il n’existe pas de dispositions légales ou réglementaires fixant de délai pour la contestation de l’expertise décide néanmoins que « la contestation doit être formée dans un délai raisonnable compte tenu du délai imparti à l’expert pour déposer son rapport » (45 jours maxi). Pour le TGI, « l’opposition de l’employeur à l’exercice de la mission de l’expert alors qu’il s’est abstenu de saisir le juge pour contester la désignation (…) constitue un trouble manifestement illicite au fonctionnement du CHSCT ». Affaire jugée par la Cour d’Appel d’Aix en Provence le 18 septembre 2008 Dans cette affaire l’employeur va contester la désignation de l’expert plusieurs mois après la désignation. La Cour d’appel constate que « l’article L 236-9 [L 4614-12] a prévu dans l’hypothèse du recours par le CHSCT à une expertise, un délai très bref pour que l’expert rende son rapport et a imposé au juge de statuer en urgence s’il était saisi d’une contestation sur la nécessité de l’expertise, la désignation de l’expert, le coût, le délai ou l’étendue de l’expertise ». Elle en déduit que « l’urgence imposée pour le dépôt du rapport ou pour statuer sur une contestation constitue ainsi une condition qui bénéficie à l’employeur mais qu’on ne saurait lui opposer, puisqu’elleest exigée dans son seul intérêt afin que celui-ci ne voit pas le projet soumis à l’avis du CHSCT bloqué ».

- En cas de risque grave

Affaire jugée par le TGI de Paris le 20 janvier 2011 Le CHSCT désigne un expert le 14 janvier 2010. Dans les mois qui suivent, la direction ne manifeste aucunement son intention de contester le risque grave et échange avec l’expert notamment au sujet de ses honoraires. Ce n’est que le 3 août 2010 que la direction saisit le juge en contestation de la désignation. Pour le TGI de Paris, la contestation de la désignation de l’expert « doit se faire dans des délais raisonnables dès lors que l’existence d’un risque grave ne s’accommode guère avec des atermoiements pendant plusieurs mois ».

 Le coût de la contestation en justice

Il résulte de l’article L 4614-13 du Code du travail que « l’employeur doit supporter le coût de l’expertise qu’il prévoit et celui de sa contestation dès lors qu’aucun abus du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail n’est établi ». Cass. soc. 8 décembre 2004 n° 03-15535 (P) La Cour a également jugé que « que l’action par laquelle une partie sollicite du premier président de la cour d’appel l’arrêt de l’exécution provisoire de l’ordonnance rendue en la forme de référés par le président du tribunal de grande instance, statuant en application de l’article L. 236-9 [L. 4614-13] du Code du travail, n’est pas exclue des termes généraux de cette disposition, en vertu de laquelle l’employeur doit supporter le coût de l’expertise et les frais de procédure de contestation de cette expertise, dès lors qu’aucun abus du CHSCT n’est établi ». Cass. soc. 6 avril 2005 n° 02-19414 (P)