Le délégué syndical est l’acteur principal de la négociation collective et le
représentant du syndicat auprès des salariés et de l’employeur. A ce titre, dans certains domaines, il peut agir en substitution des intérêts des salariés et présenter à l’employeur leurs revendications. Pour désigner un délégué syndical, plusieurs conditions doivent être remplies. Voyons-les successivement !
L’effectif de l’entreprise
Un syndicat peut désigner un délégué syndical dans une entreprise ou un établissement de droit privé comportant cinquante salariés ou plus (L2111-1, L2143-3 et R2143- 3 du Code du travail). Toutefois, dans les entreprises ayant moins de cinquante salariés, un délégué du personnel titulaire peut être désigné par un syndicat comme délégué syndical (L2143-6 du Code du travail). En outre, un délégué syndical peut être désigné par un syndicat dans une entreprise de moins de cinquante salariés si un accord collectif le prévoit (L2141-10 du Code du travail).
L’effectif de cinquante salariés doit avoir été atteint pendant douze mois consécutifs ou non sur une période de trois ans (L2143-3 du Code du travail). Selon l’article L1111-2 du Code du travail, sont pris en compte dans l’effectif :
- CDI, CDD, Intérim,
- salariés mis à disposition avec condition d’ancienneté d’un an,
- salariés temporaires à due proportion de leur temps de présence au cours des 12 mois précédents, – salariés à temps partiel.
Si l’effectif baisse durablement en dessous de cinquante salariés, c’est-à-dire pendant 24 mois sur trois ans, un accord entre syndicats et employeur peuvent supprimer le mandat des délégués syndicaux. A défaut d’accord, la Direccte (Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) peut décider de la suppression des mandats. Un délégué syndical peut être désigné dans une unité économique et sociale (soc. 22 septembre 2010, n° 09-60435 P+B+R) ainsi que dans un groupe d’entreprises à condition qu’un accord collectif le prévoit. La reconnaissance d’un établissement distinct pour la mise en place d’un comité d’établissement permet la désignation d’un délégué syndical dans ce même périmètre (soc. 10 novembre 2010, n° 09-60451 P+B). Cependant, un accord collectif peut prévoir un cadre de désignation plus restreint (soc. 18 mai 2011, n° 10-60383 P+B+R).
Le syndicat, auteur de la désignation
La faculté de désigner un délégué syndical est réservée aux syndicats représentatifs (soc. 10 mars 2010, n° 09- 60246 P+B+R+I). C’est le score obtenu au premier tour des dernières élections du comité d’entreprise qui est pris en compte pour déterminer la représentativité du syndicat (soc. 10 novembre 2010, n° 09-72856 P+B ; il faut obtenir 10 %). Peu importe que le syndicat soit représentatif au niveau de l’entreprise, il ne pourra pas désigner un délégué syndical dans un établissement de l’entreprise où il n’est pas représentatif (soc. 14 décembre 2010, n° 10-14751 P+B). A défaut de comité d’entreprise, on prendra en compte le premier tour des dernières élections des délégués du personnel. En cas de perte de la représentativité, le mandat du délégué syndical prend fin.
Pour désigner un délégué syndical, le syndicat doit avoir constitué une section syndicale. Cette dernière peut être créée antérieurement ou concomitamment à la désignation du délégué syndical. La section syndicale doit comporter au moins deux adhérents (soc. 26 mai 2010, n° 09-60278 P).
Nombre de délégués syndicaux à désigner
Un syndicat peut désigner un délégué syndical dans une entreprise ou Selon l’article R2143-2 du Code du travail,
« Dans les entreprises, le nombre des délégués syndicaux est fixé comme suit :
1° De 50 à 999 salariés : 1 délégué ;
2° De 1 000 à 1 999 salariés : 2 délégués ;
3° De 2 000 à 3 999 salariés : 3 délégués ;
4° De 4 000 à 9 999 salariés : 4 délégués ;
5° Au-delà de 9 999 salariés : 5 délégués ».
Dans les entreprises de plus de cinq cents salariés, tout syndicat représentatif peut désigner, parmi les candidats aux élections professionnelles ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élection du CE ou des DP, un délégué syndical supplémentaire à condition d’avoir obtenu lors de l’élection du CE un élu dans le premier collège et un élu dans l’un des deux autres collèges (L2143-4 du Code du travail). Cette disposition est aussi applicable aux établissements (soc. 3 février 1998, n° 98-60290 D).
Le salarié désigné
Le salarié désigné doit avoir 18 ans révolus et être titulaire de tous ses droits civiques (L2143-1 du Code du travail). Il n’existe plus de condition de nationalité (soc. 20 octobre 1976, n° 76-60150 P). Le salarié désigné n’a pas nécessairement à appartenir à l’organisation syndicale même si, en pratique, cela est fort rare (soc. 13 janvier 2010, n° 09-60108 P+B).Il doit être désigné parmi les candidats aux élections professionnelles, titulaires ou suppléants, ayant obtenu au moins 10 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élection du CE, de la délégation unique du personnel ou des DP. Les 10 % se calculent sur le collège où la candidature a été présentée (soc. 29 juin 2011, n° 10- 19921 P+B).Peu importe que le quorum n’ait pas été atteint. Un syndicat représentatif peut désigner un candidat qui n’était pas sur sa liste (soc. 28 septembre 2011, n° 10-26762 P+B+R).
S’il n’existe pas de candidats ayant obtenu 10 % des suffrages, un syndicat représentatif peut désigner un délégué syndical parmi les autres candidats ou, à défaut, parmi ses adhérents au sein de l’entreprise ou de l’établissement (L2143-3 du Code du travail). Ce texte doit être interprété strictement. Tant qu’il reste des candidats ayant obtenu 10 %, le syndicat n’a pas le choix, il doit désigner le délégué syndical parmi eux (soc. 29 juillet 2011, n° 10-60394 P+B).
En application de l’article L2143-9 du Code du travail, « Les fonctions de délégué syndical sont compatibles avec celles de délégué du personnel, de représentant du personnel au comité d'entreprise ou d'établissement ou de
représentant syndical au comité d'entreprise ou d'établissement ». Cela est aussi vrai pour le CHSCT. Le délégué syndical doit en outre travailler dans l’entreprise ou dans l’établissement et avoir un an d’ancienneté (L2143-1 du Code du travail). Bien entendu, un salarié qui a reçu de l’employeur une délégation de pouvoir lui permettant de le représenter auprès des tiers ne peut être désigné délégué syndical (soc. 21 mai 2003, n° 02-60100 P+B).
Les modalités de la désignation
Le syndicat doit informer par lettre recommandée avec accusé de réception ou par lettre remise en main propre l’employeur du nom et du prénom du salarié désigné ainsi que de son remplacement ou de sa cessation de fonction (L2143-7 et D2143-4 du Code du travail). La lettre doit indiquer le lieu de désignation et le mandat exercé (soc. 29 mars 2005, n°04-60166 P+B). Cette information peut être donnée par une fédération syndicale (soc. 13 juillet 1993, n° 92-60017 D) ou même une union syndicale (soc. 4 février 2004, n° 92-60017 D).
A défaut d’information, le salarié désigné ou le syndicat devra prouver que l’employeur a eu connaissance de la désignation litigieuse (soc. 23 juin 1999, n° 98-60358) . En outre, l’organisation syndicale doit afficher sur les panneaux d’affichage réservés aux communications syndicales le nom des délégués syndicaux désignés (L2143-7 du Code du travail). L’inspecteur du travail doit aussi recevoir la copie de la communication adressée à l’employeur (même disposition). Le mois prochain, nous verrons les conditions de la contestation d’une désignation d’un délégué syndical.