La loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 relative à la sécurisation de l'emploi, issue de l’
accord national interprofessionnel du 11 janvier 2013 pour un nouveau modèle économique et social au service de la compétitivité des entreprises et de la sécurisation de l’emploi et des parcours professionnels des salariés, a modifié de larges pans du droit social que ce soit en matière individuelle ou collective.
Les attributions économiques du comité d’entreprise n’ont pas échappé à cette refonte. Le ministère du travail devait publier un décret précisant les modalités d’application de la nouvelle loi quant à la procédure d’information-consultation du comité d’entreprise (CE). Ce texte, prévu pour la fin du mois d’octobre, se fait attendre. Certains éléments développés ci-dessous s’appuieront donc sur le projet de décret sans pour autant en garantir la présence dans le décret.
L’introduction de délais préfix de consultation du CE
Si le nouvel article
L. 2323-3 du Code du travail reprend bien l’ancienne formulation « Il dispose d'un délai d'examen suffisant » (Ndlr : le CE), ce principe, en lisant la suite de la disposition, semble souffrir d’un grand nombre d’exceptions replaçant pratiquement le principe à la place de l’exception.
En effet, il dispose : « Sauf dispositions législatives spéciales, un accord entre l'employeur et le comité d'entreprise ou, le cas échéant, le comité central d'entreprise, adopté à la majorité des membres titulaires élus du comité, ou, à défaut d'accord, un décret en Conseil d'Etat fixe les délais dans lesquels les avis du comité d'entreprise sont rendus dans le cadre des consultations prévues aux articles L. 2323-6 à L. 2323-60, ainsi qu'aux articles L. 2281-12, L. 2323-72 et L. 3121-11. Ces délais, qui ne peuvent être inférieurs à quinze jours, doivent permettre au comité d'entreprise d'exercer utilement sa compétence, en fonction de la nature et de l'importance des questions qui lui sont soumises et, le cas échéant, de l'information et de la consultation du ou des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail. »
Dans la plupart des procédures d’information-consultation obligatoire, un délai minimal de quinze jours doit être respecté entre la remise d’information et la consultation du CE. Cette information peut être transmise en papier, par voie électronique ou par l’intermédiaire de la nouvelle base de données économiques et sociales (
L. 2323-7-2 du Code du travail).
Le projet de décret, publié en octobre 2013, dispose que « le comité d’entreprise est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai d’un mois. »
Ces délais sont applicables si le CE et l’employeur ne sont pas parvenus à un accord sur les délais de consultation. Le moment de cette négociation paraît incertain. Pourrait-on négocier ces délais en début de mandature, chaque année ou à chaque consultation ? Il faudra sûrement attendre la circulaire car le projet de décret est silencieux sur ce point.
Lorsque les deux instances, CE et comité d’hygiène, de la sécurité et des conditions de travail (CHSCT) doivent être consultées, la date qui fait courir les délais est toujours la remise de l’information au CE. Dans ce cas, « Le comité d’entreprise, assisté ou non d’un expert, est réputé avoir été consulté et avoir rendu un avis négatif à l’expiration d’un délai de trois mois en cas de saisine d’un ou de plusieurs comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail et de quatre mois si une instance de coordination des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail est mise en place à cette occasion. » (Projet d’article R. 2323-1 du Code du travail, projet de décret octobre 2013).
Rappelons que le CHSCT doit être consulté en premier (
soc. 4 juillet 2012, n° 11-19678, Unité réseau électricité de Poitou-Charentes, P).
Un recours au juge rendu plus difficile
En cas d’informations insuffisantes délivrées par l’employeur, le CE (la majorité des titulaires) peut saisir le tribunal de grande instance en la forme des référés (procédure au fond avec les délais du référé) afin qu’il oblige l’employeur à transmettre au CE les éléments manquants. Le juge a huit jours à compter de sa saisine pour statuer sur la demande (
L. 2323-4 du Code du travail).
Le même article prévoit que : « Cette saisine n’a pas pour effet de prolonger le délai dont dispose le comité pour rendre son avis. Toutefois, en cas de difficultés particulières d’accès aux informations nécessaires à la formulation de l’avis motivé du CE, le juge peut décider la prolongation du délai prévu à l’article L. 2323-3. » Cette situation peut poser un certain nombre de problèmes quand on sait les difficultés auxquelles les élus sont confrontés pour obtenir les informations d’une part mais également des réponses à leurs observations. Certains dossiers sont très techniques et pointues et les délais prévus semblent bien courts.
Compte rendu annuel de gestion obligatoire et des obligations renforcées dès 2014
Aux termes de l’article R 2323-37 du code du travail, le comité d’entreprise doit présenter, à la fin de chaque année, un compte rendu détaillé de sa gestion financière et le porter à la connaissance du personnel de l’entreprise par voie d’affichage sur les panneaux réservés aux communications syndicales. Ce bilan doit indiquer notamment :
- Le montant des ressources du comité,
- Le montant des dépenses soit pour son propre fonctionnement soit pour celui des activités sociales et culturelles (ASC) dépendant de lui ou des comités interentreprises auxquels il participe.
Rappelez vous qu'il est interdit d’utiliser des ressources relevant du budget de fonctionnement du CE pour les affecter à des ASC et inversement. Il est donc utile de dresser des comptabilités distinctes pour les deux. De même, un reliquat de budget de fonctionnement inutilisé en fin d’année ne peut pas être affecté à des ASC mais doit être reporté sur l’année suivante. Tous les membres du CE ainsi que l’employeur en sa qualité de président du CE, ont accès aux comptes du CE, aux archives et documents comptables afférents à la gestion des ASC (Cass.soc 19 décembre 1990, n°88) ; il en va de même pour le montant et l’utilisation du budget de fonctionnement. Tout salarié et tout membre du comité peut mettre en cause la responsabilité du comité ou d’un de ses membres pour une utilisation non conforme des différents budgets du comité.
Des obligations nouvelles dès 2014 ?
Ce que prévoit le projet de loi
De nouvelles obligations devraient voir le jour en tout début d'année 2014. Un seuil de 153 000 euros doit servir de base de différenciation entre une comptabilité ultra simplifiée et une comptabilité simplifiée visée par un expert qui concernerait 5 % des CE à partir de leur exercice comptable 2015.
Les CE cumulant au moins deux des trois éléments suivants : 50 salariés, un bilan de 1,5 millions d’euros, des ressources de 3,1 millions d’euros, devront se soumettre à une comptabilité de droit commun et procéder à la certification de leurs comptes.
D'autres nouveautés
Le texte apporte également des nouveautés :
- La procédure d’alerte déclenchée par le commissaire aux comptes du CE lorsqu'il relève, à l’occasion de l’exercice de sa mission, des faits de nature à compromettre la continuité de l’exploitation du comité d’entreprise. Il doit alors en informer le secrétaire et le président ;
- La mise en place d’une commission des marchés chargée de mettre en œuvre les procédures relatives à l’engagement et au paiement des travaux et achats de biens et de services du comité d’entreprise. Ces procédures comprennent la consultation obligatoire de plusieurs cocontractants potentiels, une comparaison de leurs offres fondée sur des éléments objectifs et vérifiables et une conservation des pièces afférentes. La mise en place de cette commission concerne les CE soumis à l’obligation de certifier leurs comptes et doit figurer au règlement intérieur ;
- La communication du rapport de gestion aux membres du CE au plus tard trois jours avant la réunion annuelle de présentation des comptes. Le CE doit également assurer la publication de ses comptes et du rapport de gestion auprès des salariés.