La possible annulation d’une sanction

L’article L 1333-2 du code du travail, dans une rédaction un peu ambiguë énonce que « le Conseil de prud’hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ». Le dernier alinéa énonce quant à lui que les dispositions des alinéas précédents ne sont pas applicables en cas de licenciement. Nous verrons que les données ne sont pas identiques selon qu’il s’agit d’annuler pour irrégularité (1) ou pour illégitimité (2).

Le cas d’une sanction irrégulière

Dans ce cas, le pouvoir du juge est entier. La Cour de cassation décide en effet qu’une sanction irrégulière en la forme n’est pas nécessairement annulable. Le Conseil de prud’hommes a donc le choix. Si la sanction lui semble, malgré le non respect de la procédure, justifiée au fond il peut se contenter d’allouer des dommages et intérêts pour le préjudice subi par le salarié. Par exemple pour le non respect du délai d’un jour franc entre la date de l’entretien préalable et notification de la sanction les juges ont pu considéré que la salariée n’avait subi aucun préjudice. Cass. soc. 8 juillet 1985 n° 85-41507 (P) Mais, il semble que le réflexe du juge soit d’annuler la sanction irrégulière en la forme, et cela, pour plusieurs raisons.
  • Le Conseil de Prud’hommes est une juridiction paritaire, et il lui est plus aisé de sanctionner des règles objectives (comme les règles de forme) qui ne laissent pas de place à l’interprétation au contraire de l’appréciation du caractère justifié ou disproportionné de la sanction qui peut poser des problèmes d’accord au sein de la juridiction.
  • Pour le Conseil de Prud’hommes, le respect de la procédure disciplinaire est une conditions substantielle de la validité de la sanction.
  • D’ailleurs, nombre de décisions précisent que le contrôle de la procédure est préalable à l’examen du fond.
Ce ne sont pas seulement les formalités légales dont le non respect est sanctionné par la nullité de la sanction mais également les procédures conventionnelles ou statutaires lorsqu’elles comportent pour le salarié des avantages supplémentaires à ceux prévus par la loi. Cass. soc. 7 mai 1995 n° 92-40931 (P). Si la sanction prononcée est un licenciement, le non respect de la forme ne peut se traduire par l’annulation. L’irrégularité est alors compensée par une indemnité au mieux égale à un mois de salaire. (Article L 1235-2 du code du travail). Une irrégularité, excepté le défaut ou l’insuffisance de motivation de la lettre de licenciement, n’entraîne pas les sanctions pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. En matière de licenciement disciplinaire, le non-respect du délai d’un mois pour notifier le licenciement se traduit par le versement d’une indemnité minimale de 6 mois de salaire pour le salarié ayant au moins 2 ans d’ancienneté et travaillant dans une entreprise de moins de 11 salariés. Cass. soc. 3 avril 1997 n° 94-44575 (P). Un employeur peut-il régulariser une sanction irrégulière en la forme ? Cela semble très difficile si l’on en juge par 2 arrêts de la Cour de cassation rendus les 17 et 18 janvier 1995. Dans le premier, la chambre sociale énonce que lorsqu’une rétrogradation a été appliquée sans entretien préalable, aucun acte d’engagement des poursuites n’a précédé la sanction qui, après son annulation, ne peut produire aucun effet. Le délai de prescription de l’article L 122-44 [1332-4] n’ayant pas été interrompu, le juge ne peut déclarer régulière une nouvelle sanction prise après annulation de la première. Cass. soc. 18 janvier 1995 n° 90-42087 (P) Dans le deuxième, une sanction est notifiée au salarié avec pour seule motivation, une référence à l’entretien préalable. L’employeur adresse une autre lettre, toujours dans le délai d’un mois, précisant les griefs retenus contre le salarié. Alors que la Cour d’appel avait admis la régularisation, la Cour de cassation casse pour violation de l’article L 122-41 [L 1332-1] du code du travail. Cass. soc. 17 janvier 1995 n° 91- 43815 (P).

Le cas d’une sanction illégitime

Le code du travail dit que « le Conseil de prud’homme peut annuler une sanction… injustifiée ou disproportionnée à la faute commise ». Ici, la possibilité se mue en obligation sous peine d’illogisme. Si la sanction est disproportionnée, a fortiori si elle est injustifiée, le Conseil des Prud’hommes doit annuler la sanction. Mais l’étendue du pouvoir du tribunal est limitée à l’alternative annuler / ne pas annuler. Il ne peut modifier la sanction prononcée par l’employeur. Il faut noter que le juge des référés ne peut annuler une sanction faute de pouvoir trancher le fond. « La cour d'appel, après avoir énoncé qu'une sanction disciplinaire, même irrégulière en la forme, n'est pas nécessairement annulable, a décidé à bon droit que l'annulation de la sanction prononcée excédait les pouvoirs du juge des référés ; que les moyens ne peuvent donc être accueillis ». Cass. soc. 23 mars 1989 n° 86-40053 (P). Mais, avec la jurisprudence actuelle qui tend à faire de la forme une condition substantielle, le défaut d’entretien préalable ne pourrait-il pas constituer un trouble manifestement illicite ? Lorsque la sanction est injustifiée, c’est-à-dire, quand le salarié n’a pas commis de faute, l’employeur ne peut évidemment pas prendre une autre sanction. Lorsque la sanction est annulée pour disproportion, l’employeur a la faculté d’infliger une nouvelle sanction au salarié et ce sans être obligé de convoquer à nouveau le salarié à un entretien préalable Cass. soc. 4 février 1993 n° 88-42599 (P). Mais pour être valable, la sanction nouvelle doit être notifiée dans le mois qui suit l’annulation (même arrêt). Curieusement, alors que l’existence de la faute semble avérée, la Cour de cassation décide que le juge, saisi d’un recours contre la seconde sanction, doit examiner la contestation par le salarié de la réalité des faits qui lui sont reprochés (même arrêt).