Le contrôle de la légitimité de la sanction

Avant 1982, le contrôle judiciaire se limitait au contrôle du détournement de pouvoir de l’employeur. Il était rarement reconnu. Désormais, le juge doit se livrer à un contrôle beaucoup plus approfondi. Il doit vérifier que les faits considérés comme fautifs par l’employeur le sont effectivement et examine si la sanction infligée n’est pas disproportionnée par rapport à la faute commise.

Une sanction justifiée

Les faits reprochés aux salariés sont-ils vraiment fautifs ? Cela ramène ici à l’introuvable définition de la faute en la matière. La jurisprudence apporte quelques éléments. Certains motifs ne sont, en principe, pas fautifs. Il en est par exemple de l’insuffisance professionnelle. « Le licenciement prononcé pour faute grave ayant nécessairement un caractère disciplinaire, il ne peut résulter de la seule insuffisance professionnelle du salarié puisque celle-ci ne présente pas un caractère fautif ». Cass. soc. 9 mai 2000 n° 97-45163 (P). « Une cour d'appel ne saurait dire le licenciement justifié par une faute grave alors que l'insuffisance professionnelle ne constitue pas en elle-même une faute, et que le salarié s'était borné à prendre du retard dans la délivrance de comptes-rendus journaliers de ses activités, ce qui était insuffisant pour caractériser son insubordination ou sa mauvaise volonté délibérée ». Cass. soc. 25 janvier 2006 n° 04-40310 Pas davantage, il n’y a de faute pour le salarié à refuser une proposition de reclassement dans le cadre d’un licenciement économique. « Le salarié menacé de licenciement pour motif économique est en droit de refuser les mesures de reclassement qui lui sont proposées par l'employeur ». Cass. soc. 29 janvier 2003 n° 00-46322 et n° 00- 46323 (P). La jurisprudence a également rappelé que la faute ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié. L’employeur ne peut par exemple retenir comme griefs les injures et menaces proférées par la sœur du salarié à l’appui d’une sanction. Cass. soc. 21 mars 2000 n° 98-40130 (P). La faute doit résulter d’une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail. « Un fait fautif ne peut s'entendre que d'un fait du salarié contraire à ses obligations à l'égard de l'employeur ». Cass. soc. 4 juillet 2000 n° 97-44846 et n° 98-44959 (P). Un employeur ne peut par conséquent sanctionner un salarié agissant dans le cadre de ses fonctions de trésorier du comité d'entreprise et qui, par conséquent n'est pas sous la subordination de l'employeur. Il a également été jugé que n’était pas fautif, le fait pour un salarié en arrêt de travail d’être sur un stand de brocante au marché aux puces le dimanche matin dès lors qu dès lors qu’il n’était pas soutenu que le salarié avait commis un acte de déloyauté ». Cass. soc. 21 mars 2000 n° 97-44370 (P). Pas davantage l’employeur ne peut-il prendre de sanction préventive. Cass. soc. 18 février 2004 n° 02- 41622 (P). En l’occurrence, les faits étaient les suivants : « Au cours du mois de mars, l’employeur a demandé au salarié de travailler le samedi matin à compter du mois d’avril ; qu’il a accepté tout en lui indiquant oralement puis par écrit que cela lui serait impossible les 11 et 25 avril et le 9 mai, dates auxquelles il était inscrit à des compétitions sportives ; que s’étant absenté le 11 avril, il a été convoqué pour un entretien préalable au licenciement puis mis à pied ; que par lettre du 22 avril, l’employeur a fait connaître au salarié qu’il considérait l’absence du 11 avril comme non autorisée et la sanctionnait par une mise à pied de deux jours fixés aux 15 et 16 avril et retenait le 25 avril à venir comme un congé maladie ; qu’il lui indiquait en outre renoncer à tout licenciement à condition qu’il soit présent à son poste le 9 mai sauf à se faire remplacer, faute de quoi son contrat de travail serait alors rompu ; que le 28 avril le salarié a confirmé par écrit qu’il serait absent le 9 mai ; que l’employeur a rompu le contrat de travail le 29 avril pour “absence non autorisée réitérée, refus d’exécuter les consignes strictes et perte totale et définitive de toute confiance ». Un fait fautif ne peut, en principe, s'entendre que d'un fait du salarié contraire à ses obligations à l'égard de l'employeur, et le comportement relevant de sa vie personnelle, ne peut en lui-même constituer une faute. Cass. soc. 21 octobre 2003 n° 00-45291 et n° 01-44761 (P). Dans cet arrêt, une secrétaire médicale est licenciée par son employeur, qui lui reprochait de se livrer en dehors de ses heures de travail à une activité de “ voyante tarologue “. La Cour d’appel retient que le licenciement avait un motif réel et sérieux en raison du fait que cette activité était incompatible avec des fonctions de secrétaire médicale ayant accès à des dossiers confidentiels. La Cour de cassation casse faute pour les juges d’avoir constater un manquement effectif de la salariée à son obligation contractuelle de confidentialité. La Cour affirme désormais que « si, en principe, il ne peut être procédé au licenciement d’un salarié pour une cause tirée de sa vie personnelle, il en est autrement lorsque le comportement de l’intéressé, compte tenu de ses fonctions et de la finalité propre de l’entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière ». Cass. soc. 25 janvier 2006 n° 04-44918 (P). Plus récemment, elle a tempéré l’affirmation en affirmant « qu'un trouble objectif dans le fonctionnement de l'entreprise ne permet pas en lui-même de prononcer une sanction disciplinaire à l'encontre de celui par lequel il est survenu, que la réception par le salarié d'une revue qu'il s'est fait adresser sur le lieu de son travail ne constitue pas un manquement aux obligations résultant de son contrat, et enfin, que l'employeur ne pouvait, sans méconnaître le respect dû à la vie privée du salarié, se fonder sur le contenu d'une correspondance privée pour sanctionner son destinataire ». Cour de cassation, chambre mixte 18 mai 2007 n° 05-40803 (P). Mais la Cour de cassation a par exemple jugé que : « le fait pour un salarié affecté en exécution de son contrat de travail à la conduite de véhicules automobiles de se voir retirer son permis de conduire pour des faits de conduite sous l’empire d’un état alcoolique, même commis en dehors de son temps de travail, se rattache à sa vie professionnelle ». Cass. soc. 2 décembre 2003 n° 01-43227 (P). « la salariée, cadre commercial dans une banque et tenue, à ce titre, d’une obligation particulière de probité, à laquelle elle avait manqué en étant poursuivie pour des délits reconnus d’atteinte à la propriété d’autrui (vol et trafic de véhicules), a pu décider que ces faits, qui avaient créé un trouble caractérisé au sein de l’établissement, rendaient impossible la poursuite du contrat de travail même pendant la durée limitée du préavis et constituaient une faute grave ». Cass. soc. 25 janvier 2006 n° 04-44918 (P). Dans certains cas, le salarié pourra se prévaloir de circonstances permettant de justifier d’exécuter un ordre de l’employeur et échapper ainsi à une sanction pour insubordination. C’est notamment le cas lorsque le salarié pourra se prévaloir des prescriptions du médecin du travail. Cass. soc. 9 octobre 2001 n° 98-46144 (P). Extrait de l’arrêt : « Mais attendu qu’il résulte des articles L. 241-2 [L 4622-2 et suivants], R. 241-41 [R 4623-1], dernier alinéa, et R. 241-49 [R 4624-16] du Code du travail, que pour exercer sa mission de prévention de l’altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail, le médecin du Travail doit procéder à des examens médicaux ; qu’en outre, tout salarié peut bénéficier d’un examen médical à sa demande ; qu’il résulte de l’article L. 241- 10-1 [L 4624-1] de ce Code que l’avis alors émis par le médecin du Travail seul habilité à constater une inaptitude au travail peut faire l’objet tant de la part de l’employeur que du salarié d’un recours administratif devant l’inspecteur du Travail ; qu’en l’absence d’un tel recours cet avis s’impose aux parties ; Et attendu qu’après avoir constaté le refus du salarié, le 20 octobre 1995, de se soumettre, au motif avancé de son état de santé, à une instruction de son employeur consistant à effectuer des interventions extérieures, la cour d’appel a relevé que le salarié avait passé de sa propre initiative, en application de l’article R. 241-49 du Code du travail, le 25 octobre 1995, une visite médicale devant le médecin du Travail et que cette visite n’avait donné lieu à aucune réserve de la part de ce médecin ». Autre exemple : « Invoquant son état de santé, la salariée a refusé l’affectation dans un magasin éloigné de son nouveau domicile proposée par l’employeur ; que le 2 mai 1997 le médecin du Travail a déclaré la salariée apte à son poste de vendeuse dans un magasin proche de son domicile et a précisé que les longs déplacements en voiture étaient contre-indiqués ». Cass. soc. 14 novembre 2000 n° 98-45309 (P) La faute ne sera pas davantage caractérisée lorsqu’un salarié refuse d’être traité de manière discriminatoire. « Le comportement de l'intéressé devait s'analyser, non pas en un refus de travailler, constituant un acte d'insubordination, mais comme un refus d'être soumis à des conditions de travail différentes de celles des autres salariés, et, en particulier, d'être systématiquement chargé des travaux pénibles et fatigants, tout en étant privé de l'usage des engins motorisés de manutention dont ses collègues pouvaient disposer. Qu'ayant relevé le caractère arbitraire et renouvelé des agissements hostiles de l'employeur, elle a pu en déduire que les sanctions prises par ce dernier procédaient d'un détournement de son pouvoir disciplinaire et d'un parti pris constitutif d'une discrimination illicite ». Cass. soc. 13 février 1996 n° 92-45042.

Une sanction disproportionnée

C’est l’un des grands apports de la loi du 4 août 1982 que d’avoir institué ce contrôle de la proportionnalité de la sanction à la faute. Avant 1982, la Cour de cassation limitait les pouvoirs du juge à la caractérisation du détournement de pouvoir. Le juge du fond est souverain dans son appréciation. « Le juge tient de l’article L. 122-43 [L 1333-2] du Code du travail le pouvoir d’apprécier dans tous les cas où une sanction disciplinaire, autre qu’un licenciement, est prononcée, si elle est disproportionnée à la faute commise ». Cass. soc. 14 novembre 2000 n° 98-45309 (P).