Il s’agit, somme toute, de la véritable garantie dont dispose le salarié s’estimant injustement sanctionné. Depuis 1982, il existe un contrôle judiciaire approfondi de la sanction qui peut se traduire par l’annulation de la sanction.
Un contrôle approfondi de la sanction
Avant 1982, il n’y avait qu’un simulacre de contrôle. Avec les articles L 1333-1 et suivants du code du travail la situation est toute autre. Désormais, « en cas de litige, le conseil de prud’hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction ». Le juge est donc amené à vérifier que les règles de forme et de procédure ont bien été respectées, il s’agit de contrôler la régularité de la sanction (1) et si les règles de fond n’ont pas été violées, il s’agit d’apprécier la légitimité de la sanction (2).
Le contrôle de la régularité de la sanction
Le juge doit vérifier que les droits de la défense ont bien été respectés par l’employeur et que le prononcé de la sanction est conforme aux règles prévues par l’article L 1332-1 et suivants du code du travail.
Le respect des droits de la défense
Sauf si la sanction envisagée par l’employeur est un avertissement ou une sanction de même nature qui n’a pas d’incidence, immédiate ou non, sur la présence dans l’entreprise, la fonction, la carrière ou la rémunération du salarié, l’employeur doit convoquer le salarié en lui indiquant l’objet de la convocation. Pour simplifier, hormis les sanctions équivalentes à l’avertissement qui peuvent être infligées sans entretien préalable, toute autre sanction, par hypothèse plus lourde qu’un avertissement doit être précédée d’un entretien préalable. La Cour de cassation a par exemple jugé qu’un « blâme avec inscription au dossier étant une sanction susceptible d’avoir une influence sur la carrière du salarié doit faire l’objet d’un entretien préalable ». Cass. soc. 7 décembre 1999 n° 97-43059 (P). L’entretien doit permettre au salarié de s’expliquer sur les faits qui lui sont reprochés. Le code du travail ne fixe pas de délai entre la convocation et l’entretien préalable.
L’article R 1332-1 du code du travail énonce que :
« La lettre de convocation prévue à l'article L. 1332-2 indique l'objet de l'entretien entre le salarié et l'employeur. Elle précise la date, l'heure et le lieu de cet entretien. Elle rappelle que le salarié peut se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l'entreprise. Elle est soit remise contre récépissé, soit adressée par lettre recommandée, dans le délai de deux mois fixé à l'article L. 1332-4 ».
La Cour de cassation exige donc qu’un délai suffisant sépare la convocation de l’entretien. Un délai de 45 minutes est insuffisant. Cass. soc. 12 décembre 1983 n° 81-41768 (P) Suggestion : au moment de la consultation pour l’établissement ou la modification du règlement intérieur de l’entreprise, le CE peut proposer à l’employeur d’intégrer une clause fixant un délai minimum entre la convocation à l’entretien préalable et l’entretien lui-même. 5 jours par exemple.
Si la sanction envisagée est un licenciement, les garanties disciplinaires vont se cumuler avec les garanties accordées au salarié en cas de licenciement. Conformément aux dispositions de l’article L 1232-2 du code du travail « l'entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation ». La Cour de cassation a précisé que « le salarié doit disposer d’un délai de cinq jours pleins pour préparer sa défense ; d’où il suit que le jour de remise de la lettre ne compte pas dans le délai non plus que le dimanche qui n’est pas un jour ouvrable ». Cass. soc. 20 décembre 2006 n° 04-47853 (P) La convocation n’indiquant que l’objet de l’entretien, le salarié ne sait pas forcément ce qui lui est reproché avant de se rendre à l’entretien. C’est au cours de l’entretien que l’employeur doit indiquer le motif de la sanction envisagée. La procédure n’est pas respectée lorsque l’employeur ne fournit aucune explication au salarié au cours de cet entretien. Cass. soc. 5 février 1992 n° 88-43248 (P) Le salarié a la possibilité de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. Cette assistance est primordiale puisque c’est la seule personne sur laquelle le salarié va pouvoir compter ensuite. Témoin et acteur de l’entretien, très souvent représentant du personnel, ce dernier pourra établir une attestation (cf. modèle à la dernière page du document) au salarié relatant la manière dont l’entretien s’est déroulé et les propos qui ont été échangés. Cette attestation pourra être utile au salarié qui souhaite contester la sanction qui lui est infligée.
Rappelons également que la procédure légale n’est pas exclusive de l’application d’une éventuelle procédure conventionnelle. Le salarié peut ainsi être amené à comparaître devant un conseil de discipline. Ni la convocation, ni la comparution du salarié devant un conseil de discipline ne dispensent l’employeur du respect de la procédure légale. Cass. soc. 20 octobre 1988 n° 85-44501 et n° 85-44502 (P) Si le salarié a des motifs légitimes, maladie par exemple, de demander le report de son audition par un conseil de discipline, il est dans l’intérêt de l’employeur d’accéder à cette demande. A défaut, privant le salarié d’une garantie fondamentale, le juge ne pourra qu’annuler la sanction ou déclarer le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cass. soc. 16 septembre 2008 n° 07-41532 (P).
Le prononcé de la sanction
Aux termes de l’article L 1332-2 du code du travail « La sanction ne peut intervenir moins d'un jour franc ni plus d'un mois après le jour fixé pour l'entretien. Elle doit être motivée et notifiée à l'intéressé ». En ce qui concerne la motivation de la lettre notifiant la sanction, à l’instar des exigences retenues par la jurisprudence en matière de licenciement, elle doit être précise afin que le juge puisse exercer son contrôle. La seule référence à l’entretien préalable ne peut remplacer cette motivation. Cass. soc. 17 janvier 1995 n° 91-43815 (P). La lettre de rupture d’un CDD ne comportant aucun motif, « la cour d'appel a décidé à bon droit que la rupture prononcée pour faute lourde n'était pas justifiée, peu important que l'employeur ait, comme il le devait, indiqué au salarié au cours de l'entretien préalable les griefs formulés contre lui ». Cass. soc. 23 janvier 1997 n° 95-40526 (P). En ce qui concerne le délai d’un mois pour notifier la sanction, il a été institué pour éviter que la période d’incertitude ne s’éternise. « Le délai d'un mois prévu à l'article L. 122-41 [1332-2] du Code du travail est une règle de fond et que l'expiration de ce délai interdit à l'employeur aussi bien de convoquer le salarié à un nouvel entretien préalable pour les mêmes faits que désormais de sanctionner disciplinairement ces faits, sauf si dans l'intervalle une procédure imposée par une disposition conventionnelle a été mise en œuvre ». Cass. soc. 17 janvier 1990 n° 86-45212 (P). Ainsi, lorsque l’employeur est tenu de recueillir un avis de la part d’une instance disciplinaire, le délai d’un mois ne court qu’à compter de l’avis rendu. Cass. soc. 3 avril 1997 n° 94-44575 (P).
Délai d’un mois et suspension du contrat de travail
Maladie non professionnelle
La maladie du salarié ne suspend pas le délai d’un mois. Si l’employeur attend la fin de la suspension du contrat de travail et que cela dure plus d’un mois, il ne peut plus sanctionner. Cass. soc. 9 octobre 2001 n° 99-41217 (P). Pour éviter ce désagrément, il peut décider de repousser l’entretien au retour du salarié. « Si l’employeur informé de l’impossibilité dans laquelle se trouve le salarié de se présenter à l’entretien peut en reporter la date, c’est alors à compter de cette nouvelle date que court le délai d’un mois qui lui est imparti pour notifier la sanction » Cass. soc. 7 juin 2006 n° 04-43819 (P).
Lorsque le contrat de travail du salarié est suspendu faute de visite de reprise, il reste néanmoins soumis au pouvoir disciplinaire de l’employeur. Il peut par exemple être licencié pour avoir commis un acte d’insubordination. Cass. soc. 16 novembre 2005 n° 03-45000 (P).
La maladie peut également avoir une incidence sur l’exécution de la sanction, notamment quand il s’agit d’une mise à pied. La Cour de cassation a jugé que « la circonstance que le salarié soit en arrêt de travail pour maladie le jour où doit commencer une mise à pied disciplinaire décidée antérieurement par l’employeur ne peut permettre à ce dernier d’en différer l’exécution, sauf fraude du salarié ». Cass. soc. 21 octobre 2003 n° 01-44169 (P).
Maladie professionnelle et accident du travail
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il peut se prévaloir d’une faute grave « Le licenciement disciplinaire doit intervenir dans le délai d’un mois à compter de la date de l’entretien préalable et s’il est prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle, il ne peut l’être que pour une faute grave du salarié ; qu’il en résulte que le délai prévu par l’article L. 122-41 [1332-2] du Code du travail pour le prononcé d’une sanction n’est ni suspendu ni interrompu pendant la période de suspension du contrat de travail provoquée par un accident du travail ou une maladie professionnelle ». Cass. soc. 19 janvier 2005 n° 02-40085 (P). La Cour de cassation a récemment jugé que le licenciement notifié après le délai d'un mois prévu par l'article L. 122-41 [1332-2] du code du travail et prononcé pendant la période de suspension du contrat de travail pour accident du travail est nul et non pas seulement sans cause réelle et sérieuse comme elle le décide habituellement en cas de dépassement du délai d’un mois. Cass. soc. 20 novembre 2007 n° 06- 44993 (P).