Autocommutateurs et téléphones mobiles
La mise à disposition pour les employés d’une ligne téléphonique (fixe ou mobile) conduit les employeurs à disposer de données relatives à l’utilisation de ce moyen de communication. Ces données peuvent être issues de la mise en place d’un autocommutateur (téléphonie fixe) ou de leur transmission par l’opérateur auprès duquel ils sont clients (téléphonie mobile). Le traitement de ces données doit s’effectuer dans le respect de la loi "informatique et libertés" et des dispositions légales applicables aux employés.
La CNIL a adopté une norme englobant aussi bien la téléphonie fixe que mobile permettant aux employeurs de se contenter d’une déclaration simplifiée. Il s’agit de la norme 47 du 3 février 2005 fixant notamment les limites de l’utilisation des données collectées par l’employeur, la durée de conservation des données, des dispositions spécifiques concernant les salariés protégés et dans quelles conditions l’employeur peut avoir accès aux relevés complets des numéros de téléphone.
Les finalités
Aux termes de l’article 2 de cette norme, « Seuls peuvent être déclarés en référence à la présente norme, les traitements mis en œuvre par les entreprises ou organismes privés et publics pour les finalités suivantes :
- la gestion de la dotation en matériel téléphonique et la maintenance du parc téléphonique ;
- la gestion de l’annuaire téléphonique interne à savoir, la constitution, l’édition et la diffusion de listes nominatives des utilisateurs des services téléphoniques ;
- la gestion technique de la messagerie interne de l’organisme ;
- le remboursement des services de téléphonie utilisés à titre privé par les employés lorsque le caractère privé de l’utilisation de ces services est déterminé par les employés eux-mêmes ;
- la maîtrise des dépenses liées à l’utilisation professionnelle des services de téléphonie, à savoir l’établissement et l’édition des relevés liés à l’utilisation des services de téléphonie, le calcul du coût de cette utilisation et l’établissement de statistiques anonymes ;
- la maîtrise des dépenses liées à l’utilisation effectuée à titre privé des services de téléphonie, dans les conditions prévues à l’article 6 de la présente norme ».
Le même article précise que « les traitements concernés par la présente norme sont exclusifs de tout dispositif permettant l’écoute ou l’enregistrement d’une communication, ou la localisation d’un employé à partir de l’usage de son téléphone mobile ».
Durée de conservation des enregistrements
L’article 4 fixe cette durée à un an.
Préservation des droits des salariés protégés
Toute utilisation des informations issues de l’utilisation des services de téléphonie pour un contrôle des appels émis et reçus par les représentants du personnel et les représentants syndicaux dans le cadre de leur mandat est interdite. La Cour de cassation a estimé que « pour l'accomplissement de leur mission légale et la préservation de la confidentialité qui s'y attache, les salariés investis d'un mandat électif ou syndical dans l'entreprise doivent pouvoir disposer d'un matériel excluant l'interception de leurs communications téléphoniques et l'identification de leurs correspondants ». Cass. soc. 6 avril 2004 n° 02-40498 (P) Ces employés doivent ainsi disposer d'une ligne téléphonique non connectée à l'autocommutateur ou ne pouvant donner lieu à la production d’une facturation détaillée.
L’accès aux relevés complets des numéros de téléphone appelés
En principe, les quatre derniers chiffres des numéros appelés doivent être occultés (article 3). Mais l’article 6 prévoit deux exceptions autorisant l’accès aux numéros complets.
- Dans le cas où un remboursement est demandé aux employés pour les services de téléphonie utilisés à titre privé, lorsque le montant demandé est contesté par l’employé auquel il se rapporte, un relevé justificatif complet des données relatives à l’utilisation des services de téléphonie comprenant l’intégralité des numéros de téléphone appelés peut être établi à des fins de preuves.
- Dans le cas où l’employeur constate une utilisation manifestement anormale au regard de l’utilisation moyenne constatée au sein de l’entreprise ou de l’organisme privé et public des services de téléphonie, un relevé justificatif complet des numéros de téléphone appelés ou des services de téléphonie utilisés peut être établi de façon contradictoire avec l’employé concerné. La Cour de cassation admet que la vérification par l’employeur d’un relevé de ses communications téléphoniques fourni par France Télécom ne constituait pas un procédé de surveillance illicite pour n’avoir pas été préalablement porté à la connaissance des salariés. Cass. soc. 15 mai 2001 n° 99- 42937 (P)
Les écoutes téléphoniques
Ici aussi l’employeur devra démontrer la nécessité de procéder à ces contrôles. La position de la CNIL à ce propos est la suivante : Aucune écoute permanente ou aucun enregistrement permanent des conversations des personnels d’une entreprise ou d’une administration ne peut être mis en œuvre, sauf législation ou réglementation particulière l’imposant (par exemple, pour le passage d’ordres dans les salles de marchés).
Une écoute ou un enregistrement ponctuels des conversations téléphoniques n’est possible que dans des cas limités et dûment justifiés (par exemple, pour la formation du personnel en vue de l’amélioration de l’accueil téléphonique) et selon des modalités strictement encadrées. L’écoute ou l'enregistrement des conversations téléphoniques ne peut être réalisé qu'en cas de nécessité reconnue et doit être proportionné aux objectifs poursuivis (par exemple, un enregistrement pour des besoins de formation ne pourra être réalisé que sur une brève période et en aucun cas de manière permanente). En l’absence d’une telle nécessité, une solution alternative devra être recherchée pour atteindre les objectifs poursuivis (par exemple : plutôt qu’enregistrer toutes les conversations avec la clientèle à des fins de constitution de preuves matérielles pour faire face à un éventuel contentieux, demander une confirmation écrite du client, notamment par voie électronique).
Rappeler enfin, qu’en application de l’article 32 de la loi du 6 janvier 1978, les personnels, mais également leurs interlocuteurs, doivent être informés des objectifs poursuivis par la mise en place du dispositif d’écoute, des destinataires des enregistrements et de leur droit d'accès à ces enregistrements. Pour la CNIL, « les employés doivent être également informés, préalablement à la mise en place du dispositif, des conséquences individuelles qui pourront en résulter, et des périodes pendant lesquelles leurs conversations seront écoutées ou enregistrées. A cet effet, un dispositif d’alerte visuelle et/ou sonore en temps réel doit être mis en œuvre ». La Cour de cassation ne s’est prononcée qu’une seule fois en la matière, au sujet d’un salarié dont l’activité consistait à recevoir et transmettre au téléphone des ordres d’achats en bourse. Les écoutes téléphoniques avaient permis de montrer qu’il se livrait pendant le temps du travail à des jeux de hasard avec des tiers, tels que paris sur l’élection présidentielle et sur les matches de football. Elle constate que les salariés avaient été dûment avertis de ce que leurs conversations téléphoniques seraient écoutées, et décide que les écoutes réalisées constituaient un mode de preuve valable. Cass. soc. 14 mars 2000 n° 98-42090 (P).