Bien souvent, le salarié se trouve démuni face à un employeur qui lui notifie qu’il sera désormais affecté dans un établissement situé à quelques centaines de kilomètres de son lieu de travail habituel. La situation était d’autant plus inconfortable que la jurisprudence estimait que « la mutation du salarié en application d’une clause de mobilité ne concerne que les conditions de travail et relève du pouvoir de direction de l’employeur ; qu’il en résulte que le refus du salarié constitue en principe une faute grave » Cass. soc. 30 septembre 1997 n°
95-43187 (P).
Mais, les juges sont revenus à une solution moins rigoureuse pour le salarié en énonçant « que la seule circonstance que l’employeur n’ait pas commis d’abus dans la mise en œuvre de la clause de mobilité ne caractérise pas la faute grave du salarié qui a refusé de s’y soumettre » Cass. soc. 4 février 2003 n°
01-40476 (P) et
Cass. soc. 23 janvier 2008 n°
07-40522 (P).
Si, à l’heure actuelle, l’équation « refus d’une mutation en vertu d’une clause de mobilité = faute grave » n’est plus automatique, cela ne signifie pas que le salarié ne puisse être licencié pour faute grave et donc être privé de préavis et d’indemnité de licenciement. Tout dépendra des circonstances.
Comme nous allons le voir par la suite, le salarié ne se trouve pas forcément impuissant face à l’employeur qui veut mettre en œuvre une clause de mobilité. Des arguments pourront parfois être opposés à l’employeur. Ces arguments ne le convaincront peut-être pas et le salarié en sera quitte pour réclamer devant le Conseil de Prud’hommes des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Toutefois, dans l’hypothèse où les arguments déployés ne produisent pas l’effet escompté sur l’employeur, il est possible au salarié d’agir judiciairement avant même d’avoir été licencié. En effet, il résulte de la jurisprudence que le salarié peut saisir la formation de référé du Conseil de Prud’hommes pour obtenir la suspension de la mesure prise par l’employeur, notamment quand l’illégalité de la mesure prise par l’employeur ne fait aucun doute. Cass. soc. 9 février 2000 n°
96-44227
La mise en œuvre de la clause de mobilité s’accompagne d’une modification du contrat de travail
Si la mise en œuvre d’une clause de mobilité autorise l’employeur à muter le salarié, elle ne lui permet pas en revanche de modifier un autre élément essentiel du contrat de travail. A l’instar de ce qui a été dit plus haut concernant le changement de secteur géographique, il sera possible au salarié de refuser la mutation si celle-ci s’accompagne de la modification de la rémunération contractuelle, de la durée de travail ou se traduit par une modification des fonctions. L’employeur ne dispose alors d’aucun motif de licenciement.
Si la mutation n’entraîne « ni rétrogradation, ni modification de la qualification, ni diminution de salaire ou des avantages dont l’intéressé bénéficiait », l’employeur pourra, dans ce cas, licencier le salarié en toute légalité. Cass. soc. 27 mai 2003 n°
01-41807 et Cass. soc. 14 juin 2000 n°
98-42118
Ci-après, suivent des exemples dans lesquels la modification du contrat de travail a été reconnue.
Modification touchant les fonctions du salarié
Les juges ont ainsi pu décider « qu’une salariée mutée au Centre de loisirs de Tournefeuille en qualité d’animatrice alors que les dernières fonctions occupées étaient celles de responsable d’animation et coordinatrice de secteur, a pu décider qu’une telle mutation entraînait modification du contrat de travail ». Cass. soc. 7 novembre 2001 n°
99-45113
La Cour de cassation approuve également la Cour d’appel qui a relevé que « la mutation de M. Serres s’accompagnait d’une modification du contrat de travail en ce qui concerne la charge du travail et les contraintes imposées au salarié que celui-ci était en droit de refuser et qui a constaté en outre que l’employeur avait agi avec une légèreté blâmable en refusant au salarié les moyens indispensables à sa mission». Cass. soc. 18 mai 1999 n°
96-44097
De même, il y a modification du contrat de travail lorsqu’un employeur propose à un salarié ayant une expérience de directeur de plusieurs années, un poste de directeur stagiaire d’un hypermarché pour une durée indéterminée et sans indication sur son affectation à l’issue du stage. Cass. soc. 14 janvier 2004 n°
01-45126
Modification touchant la rémunération ou un élément de la rémunération
Le principe est clairement posé par la Cour de cassation, « la mise en œuvre d’une clause de mobilité ne peut être imposée au salarié lorsqu’elle entraîne une réduction de sa rémunération » Cass. soc. 15 décembre 2004 n°
02-44714 (P).
Le salarié ne commet donc pas de faute en refusant une nouvelle affectation assortie d’une diminution unilatérale d’une indemnité lorsque « les frais de déplacement ayant été précédemment remboursés par une allocation forfaitaire d’un montant fixe, ce dont il se déduisait que l’indemnité de déplacement avait le caractère d’un complément de salaire et ne pouvait être modifiée sans l’accord du salarié». Cass. soc. 20 novembre 2001 n°
99-43580
De même, la Cour d’appel qui, « appréciant les éléments qui lui étaient soumis par les parties, a constaté, d’une part, que la rémunération des cadres était fixée en fonction des responsabilités qu’ils assument et, d’autre part, que le changement d’établissement, fût-ce pour y exercer les fonctions de directeur dans la même ville, était de nature à modifier son salaire ; a ainsi pu décider que le refus du salarié n’était pas fautif ». Cass. soc. 25 février 2004 n°
01-47104
Il n’y a pas de faute du salarié à refuser une mutation dès lors que « la proposition qui avait été faite au salarié avait pour effet de conférer à une partie de la rémunération qu’il percevait un caractère provisoire dont le maintien était laissé à la discrétion de l’employeur ». Cass. soc. 3 mai 2006 n°
04-46141 (P)
Modification concernant la qualification du salarié
- X... a exercé en dernier lieu à Aubière (Puy-de-Dôme) en qualité de responsable de magasin cadre B1 ; que la société Devred ayant repris le magasin d’Aubière à compter du 3 novembre 1998, le salarié a été informé le 28 septembre qu’il était nommé responsable du magasin de Montluçon catégorie AMC3 avec période d’adaptation de trois mois.
Mais attendu qu’abstraction faite d’autres motifs, la Cour d’appel qui a estimé que la mutation unilatéralement décidée par l’employeur était effective et qui a constaté qu’elle s’accompagnait d’un changement de qualification du salarié, a pu décider que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». Cass. soc. 24 février 2004 n°
01-47365
Modification du temps de travail
Si la mutation se fait sur un emploi à temps plein alors que le salarié est à temps partiel, le refus de rejoindre le nouveau lieu de travail n’est pas fautif dans la mesure où il s’agit d’une modification du contrat de travail que la salariée était en droit de refuser. Cass. soc. 27 juin 2007 n°
06-44348
Autres arguments
Non respect des obligations contractuelles
Un employeur s’était contractuellement engagé à mettre un véhicule à disposition du salarié pour l’exercice de ses fonctions, ce que l’employeur n’avait jamais fait. Ayant refusé une mutation, le salarié est licencié. Pour la Cour d’appel, le licenciement est fondé. En revanche, pour la Cour de cassation
- le seul fait pour le salarié de ne s’être jamais plaint de l’absence de véhicule de service ne pouvait avoir pour effet de délier l’employeur de son obligation de ce chef, la cour d’appel, qui n’a pas recherché si le refus du salarié de se rendre sur un nouveau chantier ne trouvait pas sa cause et sa justification dans le manquement préalable de l’employeur à ses propres obligations contractuelles, a privé sa décision de base légale. Cass. soc. 9 janvier 2002 n° 00-40325
La convention collective limite l’obligation de mobilité du salarié
Si la ou les conventions collectives applicables à l’entreprise comprennent des dispositions encadrant l’obligation de mobilité du salarié, ce dernier pourra s’appuyer sur ces dernières pour refuser la mutation si elles lui sont plus favorables que la clause de mobilité insérée dans son contrat.
La convention collective de la banque prévoyait par exemple que la mutation du salarié était soumise
- son accord quand elle impliquait un changement de domicile. Un salarié pouvait donc refuser sa mutation de Marseille à Narbonne (260 km) nonobstant la clause de mobilité incluse dans son contrat de travail. Cass. soc.3 mars 2004 n° 02-41750
Il en est de même dans la convention collective nationale des sociétés d’assurance dont l’article 78 B exige l’accord du salarié lorsque la mutation nécessite un changement de résidence de ce dernier.
L’établissement dans lequel l’employeur veut muter le salarié n’existait pas au moment de la signature du contrat de travail comportant la clause de mobilité
Même si ce n’est pas ici un principe absolu dans le sens où la solution retenue par les juges résulte d’une interprétation de la clause jugée nécessaire par la Cour de cassation, il s’agit néanmoins d’un argument fort pour refuser une mutation.
Dans l’une des hypothèses, le salarié s’était engagé « à accepter, au maximum dans les huit jours suivant la notification écrite, un changement de lieu de travail dans un autre établissement du groupe Go sport en métropole ou dans un pays de la Communauté européenne”. Cass. soc. 12 mai 2004 n°
02-42018
Dans un autre cas d’espèce, la clause prévoyait que le salarié pouvait « être détachée dans l’un des établissements de la Caisse régionale de crédit maritime ». La Cour de cassation approuve la Cour d’appel qui « a estimé qu’elle ne s’appliquait qu’aux établissements existants au moment de la signature du contrat de travail » et que la salariée pouvait donc refuser sa mutation dans un établissement créé après la signature de son contrat contenant cette clause. Cass. soc. 19 avril 2000 n°
98-41078
Plus récemment, la même interprétation a été retenue au sujet d’une clause qui stipulait que « le lieu de travail de la salariée est fixé à Loiron, étant entendu qu'en fonction des besoins de la société, la salariée pourra être transférée en tout autre endroit en France, ce qui est accepté par elle ». Cass. soc. 20 décembre 2006 n°
05-43757. Voir également Cass. soc. 20 décembre 2006 n°
05-43941