Il va s’agir ici, à travers l’étude de différentes décisions de justice de répertorier les arguments que l’on peut opposer à l’employeur afin de contester la mutation.
Il va s’agir ici, à travers l’étude de différentes décisions de justice de répertorier les arguments que l’on peut opposer à l’employeur afin de contester la mutation.
Le contrat comporte une clause fixant un lieu de travail exclusif de tout autre
Ces clauses sont extrêmement rares et la Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises « que la mention du lieu de travail dans le contrat de travail a valeur d’information à moins qu’il soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécutera son travail exclusivement dans ce lieu »
. Cass. soc. 3 juin 2003 n°
01-43573 (P) ; cass. soc. 3 juin 2003 n°
01-40376 (P) ; cass. soc. 22 janvier 2003 n°
00-42637 (P) et, plus récemment, cass. soc. 15 mars 2006 n°
02-46496 (P).
Cela signifie que la seule mention du lieu de travail dans le contrat ne permet pas au salarié de s’opposer à sa mutation dans le même secteur géographique.
Afin de pouvoir s’opposer à la modification du lieu de travail il faut donc que le contrat comporte une clause du genre, « Monsieur R. exercera ses fonctions exclusivement dans l’établissement de Quimperlé » ou encore « le lieu de travail est contractuellement fixé à Lille ».
La reconnaissance par l’employeur qu’il y a modification du contrat de travail
Bien sûr, il est plutôt rare qu’un employeur commette une telle erreur mais cela arrive. Une fois que l’employeur s’est placé sur ce terrain, il ne peut plus faire marche arrière et argumenter ensuite qu’il n’y a qu’une simple modification des conditions de travail. Les mots employés par l’employeur, notamment dans les courriers notifiant la mutation, dans les réponses aux éclaircissements que vous demandez par courrier ou par mail peuvent contenir les éléments qui vous permettront d’opposer un argument valable à l’employeur.
Quand il résulte des pièces de la procédure que l’employeur a soutenu lui-même qu’il entendait modifier le contrat de travail ; la cour d’appel, qui n’était pas tenue de procéder à des recherches inopérantes a, sans se contredire, légalement justifié sa décision. Cass. soc. 17 juillet 2001 n°
99-43798
En l’espèce, par courrier du 28 janvier 1992, l’employeur lui a proposé une mutation présentée comme étant une modification de son contrat de travail.
Plus récemment, la Cour de cassation a considéré qu’un employeur demandant aux salariés s’ils acceptaient le changement de leur lieu de travail leur laissait le choix, ce qui rendait le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cass. soc. 27 février 2007 n°
05-41062
De la même manière, au sujet d’un délégué médical exclusif dont le secteur géographique avait été modifié plusieurs fois par avenants au contrat de travail initial et ayant refusé la proposition de réduire une nouvelle fois son périmètre d’activité, les juges ont considéré que le refus n’était pas fautif et ne pouvait justifier le licenciement. En effet, en soumettant un avenant au contrat de travail à chaque modification, l’employeur reconnaissait par la même occasion qu’il y avait modification du contrat de travail. Cass. soc 5 octobre 1999 n°
97-43189
La mutation est accompagnée de la modification d’un autre élément du contrat de travail
Si vous ne pouvez guère vous opposer au changement de votre lieu de travail, la parade va consister à démontrer que la modification de votre lieu de travail se traduit par la modification d’un autre élément, essentiel celui là, de votre contrat de travail. Vous n’allez donc pas refuser la mutation en tant que telle, mais la ou les modifications du contrat induites ou accompagnant cette mutation. Il pourra s’agir de la modification de la rémunération contractuelle, de la modification des fonctions par exemple.
Pour certains salariés, la modification du lieu de travail ne va jamais être possible sans leur accord car le secteur géographique sur lequel ils travaillent est un élément essentiel du contrat, ou parce que la modification de ce secteur géographique se traduit automatiquement par une modification de leur rémunération.
Pour les VRP, le secteur géographique est une condition d’application du statut de VRP et ne peut être modifié sans l’accord de ce dernier. La jurisprudence est constante sur ce point qui énonce que
- sa détermination dans le contrat constitue un élément nécessaire que l’employeur ne peut valablement se réserver de modifier unilatéralement ». Cass. soc. 19 mai 2004 n° 01-44964, soc. 5 décembre 2001 n° 99-45451, Cass. soc. 13 mars 2001 n° 99-41294 et Cass. soc. 23 janvier 2001 n° 98-46377 et n° 98-46381 (P)
De même, a été jugé non fautif le licenciement d’un technico-commercial licencié le 29 avril 1994 pour faute grave en raison de son refus de modification de son secteur géographique.
Pour rejeter la demande du salarié et dire que son refus était fautif, la cour d’appel a retenu que la perte de clientèle résultant de la modification de secteur était compensée par divers avantages tels que l’élargissement de la gamme des produits, la garantie du maintien de la rémunération, un nouvel intéressement.
La Cour de cassation censure la Cour d’appel en énonçant que « la rémunération contractuelle ne peut être modifiée sans l’accord du salarié ; qu’en statuant comme elle l’a fait, alors qu’elle constatait que le secteur était modifié et la structure de la rémunération différente », elle n’avait pas tiré les conséquences légales de ses constatations. Cass. soc.7 mai 2002 n°
00-41334
Plus récemment, au sujet de la mutation d’une vendeuse dans un autre magasin situé dans la même ville, la Cour de cassation confirme l’illégalité du licenciement en retenant que « la salariée, qui avait fait valoir que le chiffre d’affaires du magasin était moins important, n’avait pu obtenir de son employeur l’assurance que sa rémunération serait maintenue ». Cass. soc. 13 juillet 2005 n°
03-44632
L’employeur ne peut profiter de la mutation, par exemple, pour insérer dans le contrat de travail une clause de non-concurrence ou bien, comme cela a été jugé, une clause de mobilité. Cass. soc. 24 novembre 1999 n°
97-45202 (P)
Le licenciement intervenu dans ce cas a été jugé sans cause réelle et sérieuse.
La décision de l’employeur est contraire à une clause du contrat de travail ou de la convention collective
Il en a été jugé ainsi à propos du non respect du délai de prévenance d’un mois prévu par le contrat de travail en cas de changement d’affectation. L’employeur ayant imposé au salarié le 21 décembre de rejoindre son nouveau poste au 1
er janvier est condamné pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Cass. soc. 22 février 2006 n°
04-43167
L’article 52 de la convention des industries textiles prévoit que « tout déplacement du lieu de travail augmentant de façon importante la durée du trajet entre l'habitation et le lieu de travail et tout déclassement, tels que définis ci-après, non motivés par une faute grave et qui ne seront pas acceptés par l'intéressé, seront considérés comme une rupture du contrat du fait de l'employeur et traités comme telle ».
En l’occurrence, la durée du trajet quotidien doublait, passant de 18 à 36 kilomètres quotidiens. Pour la Cour de cassation, il s’agit d’une augmentation importante de la durée du trajet légitimant le refus du salarié. Cass. soc. 4 avril 2006 n°
04-46835
L’obligation de mobilité temporaire
Même sans clause de mobilité, certains salariés, en considération de leur fonction ou de leur profession peuvent être amenés à exercer leur activité en dehors du secteur géographique dans lequel ils travaillent habituellement.
La Cour de cassation a ainsi décidé à propos d’un cadre ayant refusé de se rendre, pour une durée de deux mois, sur un chantier éloigné de la région toulousaine (Paris) où il travaillait habituellement, et licencié pour faute grave que « le déplacement occasionnel imposé à un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement ne constitue pas une modification de son contrat de travail dès lors que la mission est justifiée par l’intérêt de l’entreprise et que la spécificité des fonctions exercées par le salarié implique de sa part une certaine mobilité géographique ». Cass. soc. 22 janvier 2003 n°
00-43826 (P) Concernant la même affaire, la Cour de cassation a estimé que le délai laissé au salarié pour rejoindre le chantier en région parisienne était suffisant. En l’occurrence le salarié avait été informé de son détachement provisoire à compter du 15 septembre 1997 dès le 2 septembre 1997. Cass. soc. 15 mars 2006 n°
04-47368 (P).
Il est malaisé de dire quels sont les salariés qui, par essence, occupent une fonction impliquant une certaine mobilité. Quoi qu’il en soit, l’envoi en mission ponctuelle, en dehors de son secteur géographique, d’un salarié dont les fonctions sont sédentaires, demeure, en principe, soumis à l’accord de l’intéressé.
De même, il a été jugé qu’une mission ponctuelle en Allemagne demandée à un salarié embauché en qualité de consultant cadre, compte tenu de ses connaissances en allemand, et qui, contractuellement, était tenu d’effectuer des séjours en province ne constitue pas une modification de son contrat de travail. Cass. soc. 21 mars 2000 n°
97-44851 (P).
En l’espèce, le salarié prétendait que l’employeur avait fait une application abusive de la clause de mobilité figurant dans son contrat de travail. En fait, pour décider qu’il n’y avait pas modification du contrat, la Cour d’appel ne s’est pas fondée sur l’existence de cette clause mais sur la nature des fonctions de l’intéressé ainsi que sur les motifs qui avaient présidé à son embauche : connaissances linguistiques et missions effectuées à l’étranger.
Plus récemment, la Cour de cassation a jugé que « l’affectation occasionnelle d’un salarié en dehors du secteur géographique où il travaille habituellement […] peut ne pas constituer une modification de son contrat de travail, il n’en est ainsi que lorsque cette affectation est motivée par l’intérêt de l’entreprise, qu’elle est justifiée par des circonstances exceptionnelles, et que le salarié est informé préalablement dans un délai raisonnable du caractère temporaire de l’affectation et de sa durée prévisible ». Cass. soc. 3 février 2010 n°
08-41412 (P).