Le code du travail fixe les conditions dans lesquelles la surveillance de l’activité du salarié peut intervenir. En principe, un tel moyen ne peut être introduit dans l’entreprise qu’après information et consultation du comité d’entreprise. D’autre part les salariés doivent avoir été informés. Et, dans bien des cas, une déclaration doit être faite à la CNIL avant la mise en œuvre de tout procédé de ce genre.
Consultation du CE et information des salariés
Consultation du CE
La Cour de cassation le rappelle régulièrement, « si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de son personnel durant le temps de travail, il ne peut mettre en œuvre un dispositif de contrôle qui n’a pas fait l’objet, préalablement à son introduction, d’une information et d’une consultation du comité d’entreprise ». Cass. soc. 7 juin 2006 n° 04-43866 (P).
L’information du comité d’entreprise, prévue par l’article L 2323-32 du code du travail, est primordiale puisqu’elle va permettre aux élus de discuter de la justification et du caractère proportionné ou non du moyen de contrôle mis en œuvre dans l’entreprise. Ce qui est justifié dans certains cas, ne l’est pas forcément dans d’autres.
Ce qui peut être justifié dans une entreprise peut apparaître disproportionné dans d’autres. L’information remise par l’employeur à l’occasion de cette consultation devra donc être précise et écrite en application de l’article L 2323-4 du code du travail. Elle devra notamment préciser les raisons qui motivent la mise en place d’un tel système. Nous y reviendrons un peu plus tard dans le paragraphe consacré aux déclarations à la CNIL.
Le délai de remise de l’information au CE devra être suffisant conformément au même article L 2323-4 du code du travail. Dans certains cas les élus pourront même se prévaloir du délai d’un mois prévu par l’article L 2323-13 concernant l’introduction des nouvelles technologies dans l’entreprise.
Aux termes de cet article « le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à tout projet important d'introduction de nouvelles technologies, lorsque celles-ci sont susceptibles d'avoir des conséquences sur l'emploi, la qualification, la rémunération, la formation ou les conditions de travail du personnel. Les membres du comité reçoivent, un mois avant la réunion, des éléments d'information sur ces projets et leurs conséquences quant aux points mentionnés ci-dessus ».
L’information des salariés
L’information des salariés est prévue par l’article L 1222-4 du code du travail. « Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance ».
Si cette dernière formalité n’a pas été remplie, le moyen de preuve ainsi constitué ne pourra pas être produit par l’employeur à l’appui d’une sanction ou d’un licenciement. La chambre sociale de la Cour de cassation, au contraire de la chambre criminelle, écarte les éléments de preuve collectés à l’insu du salarié.
En effet, « si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps du travail, tout enregistrement, quels qu’en soient les motifs, d’images ou de paroles à leur insu, constitue un mode de preuve illicite » Cass. soc. 20 novembre 1991 n° 88-43120 (P).
En revanche, la chambre criminelle de la Cour de cassation a admis que de tels enregistrements pouvaient être retenus comme preuve de vol dans la caisse par un employé, « aucune disposition légale ne permettant aux juges répressifs d'écarter les moyens produits au seul motif qu'ils auraient été obtenus de façon illicite ou déloyale », à charge pour eux « d'en apprécier la valeur probante ». Cass. crim 6 avril 1994, n° 93-82717.
Dans le cadre des attributions qui sont les siennes, le délégué du personnel qui apprend que des éléments de preuves sont collectés à l’insu des salariés peut mettre en œuvre le droit d’alerte qui lui est conféré par le du code du travail. « Si le délégué du personnel ne tient pas des dispositions de l’article L. 422-1-1 [2313-2] du code du travail le pouvoir d’agir en nullité des licenciements prononcés par l’employeur à la suite d’une atteinte aux droits des personnes ou aux libertés individuelles, ce texte lui confère le pouvoir d’agir à l’effet de réclamer le retrait d’éléments de preuve obtenus par l’employeur par des moyens frauduleux qui constituent une atteinte aux droits des personnes et aux libertés individuelles ». Cass. soc. 10 décembre 1997 n° 95-42661 (P).
En l’occurrence, la société Euromarché (Carrefour) avait mis en place, en 1993, à l’insu du personnel, un dispositif d’enregistrement vidéo cinématographique ou photographique dans la cabine où se trouvait la caisse du poste à essence. Sur la base d’éléments obtenus au moyen de ce dispositif, plusieurs salariées avaient été licenciées.
Signalons enfin, d’un point de vue procédural, que si le salarié veut faire valoir devant le juge l’illégalité du moyen de preuve produit par l’employeur il doit le faire devant les juges du fond, c’est-àdire, devant le conseil de prud’hommes et en tout état de cause, au plus tard devant la Cour d’appel. Invoqué pour la première fois devant la Cour de cassation, l’argument ne pourra être retenu. Cass. soc. 31 mai 2005 n° 02-46542.
La déclaration à la CNIL
D’une manière générale, dès qu’il y a collecte, traitement ou conservation de données personnelles, l’employeur est obligé, préalablement à la mise en place du système de contrôle de faire une déclaration à la CNIL. Cette déclaration est d’autant plus importante qu’elle contient l’exposé des finalités du système de contrôle.
L’employeur qui utiliserait les données collectées à toute autre fin que celles déclarées à la CNIL se rendrait coupable du délit de détournement de finalité réprimé par l’article 226-21 du code pénal qui énonce que : « Le fait, par toute personne détentrice de données à caractère personnel à l'occasion de leur enregistrement, de leur classement, de leur transmission ou de toute autre forme de traitement, de détourner ces informations de leur finalité telle que définie par la disposition législative, l'acte réglementaire ou la décision de la Commission nationale de l'informatique et des libertés autorisant le traitement automatisé, ou par les déclarations préalables à la mise en oeuvre de ce traitement, est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 300 000 Euros d'amende ».
La Cour de cassation a donné tout son sens à cette obligation de déclaration en jugeant « qu’à défaut de déclaration à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’un traitement automatisé d’informations nominatives concernant un salarié, son refus de déférer à une exigence de son employeur impliquant la mise en oeuvre d’un tel traitement ne peut lui être reproché ». Cass. soc. 6 avril 2004 n° 01-45227 (P).
Dans l’affaire jugée par la Cour de cassation, un salarié refusait d’utiliser un badge d’accès aux locaux de l’entreprise. Pour les juges, le licenciement consécutif à ce refus est sans cause réelle et sérieuse faute de déclaration faite à la CNIL.
La déclaration à la CNIL n’est donc pas qu’une simple formalité dénuée de portée juridique. D’autre part, une fois la déclaration faite et le système mis en place, il faut savoir qu’il existe un droit d’opposition. L’article 38 alinéa 1 de la loi informatique et liberté prévoit que « toute personne physique a le droit de s’opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l’objet d’un traitement ».
Ce droit d’opposition pourrait par exemple être utilisé par les représentants du personnel en raison de l’exercice leur mission, notamment pour la préservation de la confidentialité des conversations et échanges qu’ils peuvent avoir avec les salariés ou l’inspection du travail. Nous verrons que, d’une certaine manière, c’est ce qu’a décidé la Cour de cassation à propos de leurs communications téléphoniques.
Le moyen de contrôle doit être justifié et proportionné
Il s’agit ici de vérifier que le moyen de contrôle envisagé par l’employeur répond aux exigences posées par l’article L 1121-1 du code du travail. Pour la CNIL, « la mise en œuvre d’un système de surveillance des employés doit nécessairement respecter le principe de proportionnalité. Elle doit donc s’effectuer de façon adéquate, pertinente, non excessive et strictement nécessaire à l’objectif poursuivi ». La formation contentieuse de la CNIL a eu l’occasion de rappeler ce principe de proportionnalité au but recherché dans une hypothèse où une société de prêt-à-porter avait installé des caméras qui filmaient les salariés en permanence au prétexte de lutter contre le vol. Ce dispositif est apparu disproportionné au regard de sa finalité de lutte contre le vol. En effet, des caméras filmaient en continu des salariés à leur poste dans des lieux où aucune marchandise n’était stockée ainsi que dans des lieux fermés au public. Après une mise en demeure de se mettre en conformité avec la loi « Informatique et Libertés », la société n’a que partiellement modifié ses pratiques et a maintenu son système de vidéosurveillance en l’état. Faute de réponse satisfaisante, la formation contentieuse de la CNIL a considéré que le fonctionnement du système de vidéosurveillance constituait une collecte illicite de données, disproportionnée au regard de la finalité de lutte contre le vol. Une sanction pécuniaire d’un montant de 10 000 euros a donc été prononcée à l’encontre de la société.
Au travers de cette décision la CNIL rappelle que la vidéosurveillance des salariés doit nécessairement respecter le principe de proportionnalité au regard de l’objectif poursuivi. Ainsi le déploiement d’un dispositif de surveillance, même s’il répond à un impératif de sécurité, ne doit pas conduire à une mise sous surveillance généralisée et permanente du personnel, notamment en des lieux où il n’existe aucun risque de vol. Enfin, les salariés concernés doivent être informés de la présence d’un tel dispositif sur leur lieu de travail et informés de leurs droits. CNIL, délibération n° 2009-201 du 16 avril 2009. Rappelons également, qu’outre les dommages et intérêts pouvant être demandés par le salarié, l’employeur s’expose aux peines prévues par l’article 226-1 du code pénal qui prévoit une peine d’un an d’emprisonnement et de 45000 € d’amende au fait de volontairement porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui « en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’un personne se trouvant dans un lieu privé ».